Expositions À propos
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Lecture dessinée des légendes afghanes

Le dragon, la jeune fille et le chameau
et
Le brûleur de glace

Conteuse : Alice Rahimi
Musicien : Bismillah Khusnavi
Peintre : Patrick Pleutin
Direction de la photo : Nicolas Pfeiffer
Création : Pascale Bastide, Afghanculture ateliers

Le conte : Baba Yakhsoz (Le brûleur de glace), adaptation originale de Sabrina Nouri
Le conte : Le dragon, la jeune fille et le chameau, adaptation originale de Marie Nimier

D’après le recueil Contes et légendes afghanes de Ria Hackin et Ahmad Ali Kohzad

Musée Guimet 22 mars 2025


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Dr. Zemaryalai Tarzi   photo : Nadia Tarzi‑Saccardi

Le monde perd un éminent archéologue

Le 18 juillet 2024, le Dr. Zemaryalai Tarzi, archéologue et érudit afghan renommé, est décédé paisiblement à l’âge de 85 ans. Le Dr Tarzi était connu à l’échelle internationale pour ses contributions extraordinaires à l’étude scientifique de l’archéologie afghane.
Né le 9 juillet 1939 à Kaboul, en Afghanistan, M. Tarzi a consacré sa vie à la découverte et à la préservation de la riche histoire culturelle de son pays natal. Son parcours académique a commencé à l’Université de Strasbourg, où il a obtenu son premier doctorat sous la direction du célèbre archéologue et historien Daniel Schlumberger. C’est sa profonde passion pour l’archéologie et le patrimoine de son pays qui a guidé ses recherches et ses nombreuses fouilles à travers l’Afghanistan.
Le Dr. Tarzi n’était pas seulement un grand érudit, leader remarquable, il fut directeur général de l’archéologie afghane et de la conservation des monuments historiques, directeur de l’institut afghan d’archéologie. Il était également président de l’Association pour la protection de l’archéologie afghane, financée par sa fille Nadia Tarzi en Californie.
Ses études sur les peintures de Bamiyan, ses fouilles sur le site de Tape Shotor de Hadda, dans les années 70, les fouilles du ministère des Affaires étrangères et du National Geographic à Bamiyan, de 2003 à 2013, restent des références majeures dans ce domaine.

Son dévouement et son activisme indéfectibles pour la protection du patrimoine de l’Afghanistan sont indissociables de ses contributions scientifiques. Il a donné sa dernière conférence le 22 mai 2024 à l’université de Strasbourg. Selon les mots de son estimé collègue et ami, Henry‑Paul Frankfort, « ... si précis, son intervention si bien documentée, il était heureux d’être là et nous aussi. Il restera dans notre mémoire pour tout cela et plus encore. »
Le Dr. Tarzi a reçu de nombreux prix et médailles pour son travail, ainsi que la reconnaissance de dignitaires internationaux, pour n’en nommer que quelques‑uns, l’ancien maire de San Francisco, Gavin Newsom et Nancy Pelosi, ancienne présidente de la Chambre des représentants, qui souligne son impact important dans le domaine de l’archéologie. Le documentaire du National Geographic « The Lost Treasures of Afghanistan » est l’un des nombreux témoignages médiatiques qui mettent en lumière certains de ses travaux remarquables.
Aimé de ses étudiants, de ses collègues et amis ainsi que de ses compatriotes, il était souvent surnommé « le père de l’archéologie afghane ».



Nadia Tarzi‑Saccardi (traduction Afghanculture)


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C’est l’histoire d’un dragon, d’une jeune fille, d’un chameau…

À venir bientôt, le film !


À l’heure où le soleil se lève, les voilà sur la route,
Le jeune prince et son ami d’enfance, le fils du Vizir.
Quel bonheur de pouvoir s’échapper le temps d’un voyage !

Chemin faisant, ils rencontrent une étrange caravane composée d’une jeune fille, d’un chamelier et de son chameau lourdement chargé.

— Où  allez‑vous ?  demande le prince.
— Je vais livrer au dragon sa ration quotidienne, soupire le chamelier,  un  chameau,  une jeune fille et cent kilos de pain. Demain, le dragon aura tout dévoré.

— Même le chameau ?
— Même le chameau.



Les jeunes gens reprennent la route. Ils marchent en silence. Après avoir dîné, ils s’allongent sous un arbre et s’endorment.
Deux   oiseaux   apparaissent   dans   les rêves du prince.

Comment se fait‑il que le monstre soit encore vivant ? s’indigne le premier.

Ce serait tellement facile de le tuer ! poursuit le second
— Il suffirait de lui crever les yeux  avec  la  branche  fourchue sur laquelle nous sommes perchés, reprend le premier
—    Chlak,    chlak !    lance    le second. Et hop ! Mouru, foutu ! Mouru foutu !


À  ces  mots,  le  jeune  prince ouvre un œil, puis deux. Il s’étire. La branche magique est à portée de main. À peine l’a‑t‑il saisie qu’elle se casse comme du verre dans un bruit de bois sec.

Les oiseaux chantent la fin de la nuit et déjà,   c’est   le   petit   matin.   Un  vent violent s’élève. Un rugissement déchire le silence, suivi d’un miaulement, puis d’un  gargouillis  sinistre.  Le  dragon  a une faim de loup. S’il s’écoutait, c’est toute la ville qu’il mangerait.

— Miam, miam, roucoule‑t‑il en découvrant les deux jeunes garçons,  menu  de  fête aujourd’hui !

Il piaffe et bave et se lèche les babines. Le  chameau  terrorisé  agite son cou, à droite, à gauche, faisant tinter sa clochette. La jeune fille se cache dans un panier.

Les oiseaux sifflent de plus belle, le prince avance, son bâton dans le dos. Le dragon,  ça  le  fait  rire,  ce  petit bonhomme avec sa vieille branche, il baisse la tête pour le renifler et c’est là que  chlak,  chlak !  Ni  une  ni  deux,  le prince lui crève les yeux.
Le dragon perd l’équilibre, ses tressaillements font trembler la terre.
Le chameau libéré détale en direction de la ville avec la princesse sur le dos.

Le  temps  de  compter  jusqu’à  dix,  les cris d’agonie cessent : le dragon est au sol, les quatre fers en l’air. Un coup de couteau et sa langue se détache. Le prince la ramasse, un peu ahuri.

Le voyage reprend…

Trois semaines plus tard, sur le chemin du  retour, le jeune prince et le fils du vizir s’arrêtent dans la ville au pied de la   montagne.   Ils   sont   reçus   par   le roitelet des lieux, qui n’est autre (quelle surprise !) que le père de la jeune fille. Alors  qu’ils  racontent  leur  périple,  le prince  sort  de  sa  besace  une  langue fourchue.
Le roitelet comprend que le jeune homme n’est autre que l’intrépide qui a tué le dragon. Il ne sait comment le remercier. Il ordonne des réjouissances et lui offre ce qu’il a de plus précieux… sa fille.
Ni une ni deux, les noces sont célébrées. Hourra ! Bravo, et vive les mariés !

La  fête  est  somptueuse,  les  cris écorchent  le  ciel.  Devant  les  feux  de joie, les étoiles perdent leur éclat.
Qui a demandé son avis à la jeune fille ? Personne.
Son visage plein de gaîté s’est assombri soudain.
Heureusement, l’histoire ne s’arrête pas là.

Le lendemain, le fils du vizir, le jeune prince et la jeune princesse reprennent la route. Ils font une pause sous l’arbre aux   oiseaux.   Dans   son  sommeil,  le prince les entend dire :

— Hélas ! La lune empoisonnera le prince avec la plume d’un faucon.
— Et quand il sera mort…
— Elle épousera l’élu de son cœur, le fauconnier.

La lune, c’est ainsi que l’on nomme la jeune mariée.

Le prince se réveille en sursaut. Il raconte son rêve à son compagnon de route.

— Laisse‑moi dormir, bougonne le fils du vizir qui a beaucoup trop  mangé,  ce  n’est  qu’un rêve…

— Debout, insiste le prince, j’ai besoin de toi, ce n’est pas le moment de ronfler.

Un bruit de chute réveille la princesse : c’est  le  faucon  qui,  touché  par  une flèche, vient de tomber à ses pieds. Le fauconnier  est  attaché  autour du tronc par des cordes.

— Ne t’inquiète pas, murmure la jeune femme au fauconnier, je ferai tout pour te sauver.
Sur   ce,   elle   arrache   une  plume  du faucon et la glisse dans son costume.

Le  jeune  prince  est  perplexe. Ses pensées tournent en rond.
Il faut bien le reconnaître :
Un :   ce   n’est   pas   parce   qu’il   est amoureux  de  cette  jeune femme  qu’il l’a sauvée.
Deux :   ce  n’est  pas  parce  qu’il  l’a sauvée qu’elle est obligée de l’aimer. Amour et gratitude sont des sentiments bien différents.
Que faire, que décider ?
S’il tue le fauconnier, la jeune femme se vengera.  Ou  elle  se  donnera  la  mort pour  rejoindre  son  bien  aimé,  ce  qui n’est guère mieux.
Et s’il ne tue pas le fauconnier, la princesse trouvera le moyen de s’enfuir avec lui. Jamais elle ne laissera piétiner son bonheur.
Dans l’un et l’autre cas, il sera perdant, lui l’intrépide, le héros qui a tué le dragon.
C’est alors que résonne le son d’une clochette. Un nuage de poussière s’avance dans la direction du prince. C’est   le   chameau qu’il   a   sauvé,   le chameau qui court, lançant ses pattes à l’assaut de la route.

— Je suis tellement heureux de te retrouver, dit la grosse bête avec des larmes dans la voix, je voulais te remercier de m’avoir sauvé la vie ! Efface ces rides de ton front, chausse tes bottes de voyage  et  viens  avec  moi, partons ensemble, je te montrerai les huit merveilles de l’Afghanistan.


Le jeune prince, ému par les larmes du chameau (qui sont tout sauf des larmes de crocodile) accepte la proposition de son nouvel ami, laissant derrière lui la jeune  fille  ivre  de  reconnaissance.  Le fauconnier est détaché, et voilà les deux tourtereaux qui repartent ensemble.

Le prince va voyager encore, rêver encore et découvrir le monde loin des rois et des roitelets. La vie est longue à celui qui comprend la langue des oiseaux.
Le soleil se couche, tout se termine au mieux. Ou encore, au moins pire. On ditqu’au pied de la montagne, en se penchant un peu, on peut reconnaître le dragon  transformé  en  rocher.  A quelques pas de lui, le sang du faucon s’est métamorphosé en rose des sables. Quant au fils du vizir, on raconte qu’il dort toujours sous l’arbre magique.

Il a mangé trop de pralines. Ou alors, trop de raisins secs.





Marie Nimier
(d’après les contes et légendes d’Afghanistan de Ria Hackin et Ahmad Ali Kohzad)

Translated by Margaret Trettin
Edited   by   Dr.   Henry   Jones   &  Dr. Jeanne‑Sarah de Larquie